Avertissement: quelques passages peu fiables, remaniement en cours

 

Dr.  Benediktus HARDORP
Impôt sur les dépenses à la place de l’impôt sur les revenus !
Pour un financement du revenu citoyen de base (1).

1) Nouvelle façon de formuler les termes d’un problème par Rudolf Steiner en 1919

Au début de mes études de sciences économiques en 1951, une déclaration faite par Rudolf Steiner à la suite d’une de ses conférences traitant de la triarticulation sociale (2) avait aussitôt provoqué mon étonnement et m’avait incité à la réflexion. C’était une déclaration radicale, que je n’avais pas comprise aussitôt. La formulation semblait contredire directement tout ce que jusque là on avait considéré comme étant un impôt traditionnel, équitable et censé, et que l’on estime encore aujourd’hui comme allant de soi. On avait demandé à Rudolf Steiner quel genre de fiscalité, d’imposition serait à l’avenir conforme à l’organisme social triarticulé. Sa réponse lapidaire fut : « abandonner l’impôt sur les revenus, se tourner vers l’impôt sur les dépenses ! ».
Comment comprendre cela ? Qu’est-ce que ça signifiait ? Il fallait le clarifier et c’est ce à quoi je m’attelai, en progressant lentement. Le chemin qui s’ouvrit ainsi à moi me conduisit à une nouvelle approche de la société à travers le domaine de la fiscalité.
Ce thème devint un sujet de réflexion durant toute ma vie. Je dus éclaircir mes idées et trier dans l’amas confus des différentes théories. Mon guide au cours de ce cheminement fut la maxime scientifique de Goethe : ‘l’excellence serait de reconnaître que chaque fait est déjà une théorie’’. -Il devint évident que le contenu de la formulation de Rudolf Steiner, combinée à la pertinence de la méthode goethéenne, devait aboutir à la chose la plus simple, la plus sensée et la plus accessible qui soit. Et c’est ainsi que ce thème devint mon fil conducteur dans ma profession et aussi en-dehors d’elle dans la coopération comme conseiller dans maint champ d’action de la politique fiscale en Allemagne. Il détermina ma vie de façon essentielle. Mais comment concrétiser cette réflexion : abandonner l’impôt sur le revenu, choisir l’impôt sur les dépenses ? Je vous présente cela succinctement (3).

2) L’économie globalisée, une activité altruiste mondiale.

L’économie mondialisée, espérée par tous durant les derniers siècles et réalisée en partie au cours des dernières décennies, a conduit au rapprochement entre les hommes et les peuples, et a participé en occident à l’accroissement de notre prospérité. Lorsque nous ne nous sentons pas pleinement à la hauteur face à certains phénomènes ayant accompagné cette évolution, lorsque nous n’y voyons pas toujours clair et que nous ne les maîtrisons pas suffisamment, nous les habillons souvent anxieusement du terme de ‘’globalisation’’. Il n’en demeure pas moins qu’actuellement presque chacun est réellement inclus dans une économie concernant les hommes de toutes les parties du monde, sans pour autant qu’ils se connaissent les uns, les autres. Depuis l’Europe et l’Amérique du nord nous fournissons aux régions les plus éloignées du globe des produits industriels de la plus haute technologie et nous en recevons, en contre-partie, des biens et des services, mais sans pour autant nous faire pleinement une idée de la vie concrète se déroulant derrière ces processus, et lorsque nous désirons les saisir de manière plus exacte, la majeure partie de cette existence se dérobe à notre conscience. Il est vrai que nous saisissons le principe de nos relations de productivité par leur aspect commercial, mais sans avoir aucune impression ni aucune opinion de la manière concrète dont agit notre activité sur l’existence et le mode de vie des hommes de ces régions éloignées, ni ceux-ci de nous. C’est ainsi que cela se passe, là-bas et chez nous. Notre conscience boite derrière les faits et nos pratiques ! Il est certain qu’un courant de prestations s’écoule de chez nous vers d’autres hommes habitant au loin et qu’un contre-courant arrive de chez eux vers nous. Le courant du capital qui, chaque fois, se dirige en sens inverse, nous donne une vague conscience de nos relations économiques réciproques, c'est-à-dire qu’il permet de les mesurer ; il rend visible, du moins grossièrement, le niveau correspondant de l’échange d’activité entre les producteurs et les bénéficiaires de cette production – nous sommes tous en même temps les deux – même sans avoir un jugement différencié sur la situation existentielle des autres. Ce n’est que très confusément, de très loin, que nous entendons évoquer la pauvreté et la misère sévissant dans d’autres régions du monde. En Occident, notre prospérité nous semble normale, allant de soi, les conditions de vie dans d’autres régions étant apparemment déterminées par les lois du marché ou d’autres nécessités économiques, à moins qu’elles ne découlent de forces inconnues. Il nous semble qu’on ne peut rien y changer et nous ne nous en sentons pas responsables !
La levée des impôts, pratiquée nécessairement par toutes les nations du monde, agit dans tous ces processus de manière pressante ou contrariante, sans que nous puissions facilement en saisir le sens et les conséquences. Les interventions fiscales encouragent-elles ou freinent-elles l’échange économique mondial, qui pourtant nous semble une bonne chose ? Sont-elles un bienfait ? Sont-elles un mal nécessaire auquel nous essayons de nous soustraire dès que possible ? Pouvons-nous même aller jusqu’à comprendre les formes de cette fiscalité comme étant l’expression d’une évolution de la conscience humaine et si oui, de laquelle ?
En fait, je pense que cela est possible. Nous avons tout d’abord les très anciennes formes d’imposition, d’ailleurs encore en usage actuellement, qui prennent en compte notre train de vie (le nombre de fenêtres de la maison, la puissance du moteur de notre voiture, etc…) et qui fournissent la base de la fiscalité. Ce sont les impôts indirects. Au cours de l’histoire s’y sont ajoutés, dans la mesure où nous avons appris à saisir et à comprendre les processus économiques avec leurs notions de dépense et de revenu, de fortune et  dette, les impôts directs qui utilisent comme base le succès économique de l’entreprise particulière, du commerçant particulier et qui sont saisis sous la forme moderne de la comptabilité en partie double. Si l’entreprise a du rendement et montre des bénéfices, on en fait un objet d’imposition, et c’est ainsi que naissent les impôts sur les résultats (impôts sur les revenus, les métiers, sociétés, etc.) Si dans l’ensemble de la chaîne de la plus-value économique les bénéfices actuels d’une entreprise entraînent aussi un bénéfice lors d’une étape suivante, (ou un déficit), cela ne joue aucun rôle pour cet impôt direct ; la conscience du fisc, de même que celle des personnes concernées, ne s’étend pas aussi loin, elle ne distingue pas encore la totalité de la chaîne de la production de valeurs unissant les hommes. Chaque entreprise semble être responsable pour elle-même et seulement pour elle-même.
Il en va tout différemment pour l’impôt sur le chiffre d’affaire, dans sa forme actuelle de taxe sur la valeur ajoutée. Pour assurer la  neutralité de la concurrence dans le domaine fiscal et pour lutter contre la concentration des entreprises, elle a été totalement retirée du processus de création de valeur entre ressources naturelles et consommation et on ne veut plus maintenant imposer pour la création de valeur des entreprises. C’est la raison pour laquelle elle ne sera prélevée que tout à fait au bout de la chaîne économique de la plus value, lorsque le bien ou le service sera prêt pour la consommation. Cette taxation attendra qu’un produit ou qu’un service ait mûri, que le pain prêt à la consommation ait été cuit et puisse servir aux besoins des hommes, elle ne taxera pas déjà la farine (le produit intermédiaire), le produit non fini ou la moitié d’un service. Malgré l’imposition du chiffre d’affaire à chaque étape de la chaîne de production, cela se déroulera techniquement par la déduction de l’imposition d’amont, c'est-à-dire par le report sur l’étape suivante de la taxe sur le chiffre d’affaire de l’étape précédente de la chaîne de production, jusqu’à l’aboutissement final de celle-ci dans la sphère de la consommation privée. Lors de la vente finale, il n’y aura plus de déduction de la taxe (pour le consommateur). C’est donc à son niveau que, pour la première fois dans tout l’enchaînement de la production de valeurs, s’accomplira une taxation au profit de l’état, à partir de l’utilisation d’une prestation.
En cela la taxe sur la valeur ajoutée est un tout nouveau genre de prélèvement fiscal qui ne tiendra plus compte d’un simple train de vie ou du succès restreint, partiel d’un seul ou d’une entreprise (tels que les impôts sur le revenu, sur les entreprises, les taxes professionnelles), mais qui s’intéressera au fait qu’une création de valeur sera arrivée à son terme, économiquement, peu importe dans quelle partie du monde ce processus aura débuté et où, finalement, la consommation en mettra une borne. Ainsi cette taxe n’impose aucune activité se terminant par un déficit, ni aucun investissement tel la création de biens d’équipement ou de postes d’emploi, elle est une forme d’imposition non sur la contribution performante (le travail des hommes, leur inventivité), la plus value, mais sur sa prise en compte par le consommateur disposant d’un revenu. Au temps des relations économiques internationales qui s’amplifient, de l’échange mondial de prestations et de la division du travail, cette taxation sera donc en même temps compétitivement neutre, tout en prélevant pour les finances publiques, à partir de la plus value, comme le fait chaque imposition. Elle sera donc appropriée à l’économie mondiale.

3)Autonomie nationale dans un monde globalisé ?

Dans notre monde moderne, avec son économie marquée par la division du travail et un échange global des prestations entre ses différentes régions, nous souhaitons malgré tout une autonomie nationale et culturelle différenciée pour chaque peuple. Leur expression financière devra finalement se manifester par des budgets nationaux (des impositions) distincts en relation avec le revenu national correspondant. Chaque peuple, chaque espace culturel identifiable et revendiquant son autonomie, devra pouvoir choisir de lui-même comment appréhender sa culture et ce qu’il voudra y consacrer. Chaque peuple devra pouvoir décider la part de la création de valeur nationale disponible qu’il destinera à l’usage public et celle qui devra rester dans la main des citoyens, car celles-ci varient suivant les exigences nationales et culturelles et en fonction des conséquences économico-financières. Ces parts montreront clairement ce que les différents peuples voudront investir pour leur propre vie en commun, leur identité, et seuls les membres de ces communautés devront en décider, d’autres communautés le faisant pour leur propre compte. Ce n’est qu’ainsi qu’une paix durable pourra s’instaurer dans un monde globalisé.
Lorsque, dans de telles conditions, l’imposition se fait sous la forme de l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés, la première et la deuxième forme de fiscalité décrite ci-avant, elle occasionne nécessairement des coûts dans la chaîne de la création de valeur, issues d’elle et traversant les frontières. Car pour le budget des entreprises, les impôts sont des coûts figurant dans le prix des biens produits et qui sont finalement ‘’refilés’’ aux clients. Autrement dit – ils sont prélevés par le fisc sur le bénéfice net des entreprises. De ce point de vue, les impôts sont toujours déjà impôts sur la consommation, car ils sont ‘’fourgués’’, de manière ouverte ou cachée, à l’acheteur final. Cela ne peut se dérouler autrement. Une entreprise qui n’est plus capable d’effectuer cette transposition des charges fiscales disparaîtra, comme vous le savez, à plus ou moins longue échéance.
Si donc au temps de l’échange économique globalisé nous voulons prélever des recettes pour le budget de l’état sans porter dommage à la concurrence du marché mondial, nous devons libérer de la fiscalité la production marchande s’adressant aux autres et imposer à sa place la prestation de service (ndt : Leistungbezug), la consommation intérieure individuelle. C’est finalement le sens économique profond de la déclaration, au premier abord difficile à saisir, de Rudolf Steiner faite en 1919 : abandonner l’imposition sur les résultats et sur les revenus, choisir une imposition sur les dépenses ou la consommation. Constatons qu’une  harmonisation internationale des impôts directs (ceux-là même occasionnant des coûts dans le calcul de la valeur ajoutée), ou qu’une régulation internationale de ces coûts (si l’on admet que des accords internationaux en renouvèleront toujours des adaptations) sont pratiquement impossibles à réaliser (4): on préfère alors le cas échant, trouver des issues que les législateurs compréhensifs ont aménagés pour les contribuables. Par contre une imposition qui concernera exclusivement la consommation intérieure des foyers ne perturbera nullement les relations économiques internationales puisqu’elle ne sera prélevée qu’à la fin dans le marché intérieur et il sera d’ailleurs difficile de s’en soustraire légalement. A l’avenir nous ne pourrons plus aussi facilement qu’aujourd’hui faire supporter les coûts de l’infrastructure intérieure du pays, les coûts de l’identité nationale (les différentes dépenses publiques) totalement ou en partie par les acheteurs étrangers ; le Fair-play international l’interdira. Le poids des dépenses publiques propres, les dépenses de chaque espace autonome de l’état, devront être portés par l’unité nationale correspondante. En ce qui concerne la fiscalité, et seulement elle, l’autonomie et les budgets nationaux spécifiques, seront à mettre au même dénominateur.

  1. L’impôt sur les dépenses supprime les obstacles à la production de richesses.

 

L’impôt sur les dépenses, c'est-à-dire l’imposition de la consommation dans le pays destinataire de la prestation, son but final (et sans rapport avec le pays d’origine), libère la production de richesse de l’influence de l’imposition indirecte ou directe, néfaste pour la concurrence. En effet, les charges supportées par les entreprises doivent toujours être incluses dans les coûts de chaque étape de la production d’une plus value et apparaissent chaque fois dans le prix. Ce n’est que si elles (les charges) sont prélevées sur le pouvoir d’achat privé avant la consommation, comme sur les droits de succession, les impôts sur la fortune, les impôts sur les revenus issus d’acquisition de biens etc… que les impôts n’ont pas de conséquence sur le prix des prestations des entreprises. Sauf que tout ça agit sur le pouvoir d’achat du consommateur. Actuellement cette partie du pouvoir d’achat absorbée par l’imposition profite à l’état. Economiquement, l’impôt sur les dépenses, lui,  est un impôt ‘’patient’’. Il attend qu’une plus value soit devenue mûre pour la consommation. Elle n’agit pas déjà auparavant en ‘’gonflant’’ le prix des prestations comme le font les taxes sur les entreprises qui ne tiennent pas compte de la consommation, bien qu’elles influent sur elle. Par contre la taxe sur la valeur ajouté, elle, attend ‘’le bon moment’’ : à chaque étape de la production de richesse elle demande si une prestation est arrivée à son terme, alors elle assujettit, sinon elle restitue la TVA collectée, payée auparavant. (                                                                     ) (5).
Le processus de réadaptation de notre fiscalité, nécessaire de nos jours et qui est en cours, consistant à transposer les impôts sur les citoyens du côté de leurs revenus sur le coté de leurs dépenses, et l’utilisation de cette recette (des impôts sur la consommation), n’est pas une exigence abstraite, mais montre clairement dans ce qui se passe actuellement en Allemagne, qu’elle se réalise concrètement, bien que le plus souvent de manière incomprise : le 1er janvier 2007 la taxe sur la valeur ajoutée a été relevée de 3% par le gouvernement allemand, alors que la taxe sur les entreprises a été abaissée. D’autres états, comme les pays scandinaves, avaient déjà appliqué ces solutions. L’abaissement de l’impôt sur les entreprises et le relèvement de celle sur la TVA devraient, théoriquement s’équilibrer, afin de rendre cette mesure compréhensible et acceptable, sinon il faudra s’attendre à la question populiste venant aussitôt comme en écho : cela ne rendra-t-il pas les riches toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres ? Or cet argument ne prend pas en compte le fait que les catégories ‘’riche’’ et ‘’pauvre’’ n’ont de sens que dans le domaine de la consommation, mais nullement dans celui de la plus value produite par les entreprises où il s’agit d’une productivité tangible et bon marché (6).
Car dans l’optique de leur objectif, les entreprises ne sont ni riches, ni pauvres, mais seulement suffisamment ou insuffisamment dotées de moyens financiers. Selon leur nature, elles sont libres d’imposition car, comme ça a été expliqué, elles doivent se décharger du coût de leur imposition sur les utilisateurs en fin de chaîne, si elles veulent durer dans le temps. Chaque impôt perçu au niveau des entreprises est défalqué à la fin chez le dernier acheteur ou utilisateur au bout de la chaîne économique mondiale et celui-ci le transpose finalement dans le prix de la marchandise ou du service (7). Au fond le consommateur ne peut que décider s’il veut prendre connaissance ou non de cette réalité, la modifier il ne le peut pas. S’il se ferme à cette évidence, il ressemble à Sisyphe qui entreprend constamment de nouveaux efforts pour reconstituer derechef la situation ancienne pour lui insupportable (celui de sa conscience). Voilà pourquoi nous devons lui venir en aide pour lui permettre de saisir ce qui se passe, sinon nous allons nous-mêmes souffrir en tant que communauté d’une telle incompréhension. Le changement qui s’est instauré dans le remplacement de l’impôt sur les sociétés par celui sur la dépense ou la consommation, ne peut plus s’arrêter, ni à la longue être dénié, car le poids des réalités l’impose. C’est pourquoi notre thèse ne fait que décrire ce qui se passe depuis longtemps dans la réalité ; certains hommes politiques avisés l’ont d’ailleurs compris ; ils prennent garde le plus souvent de ne pas révéler leur savoir trop tôt et attendant, pour l’exposer aux électeurs, que ceux-ci l’aient intégré.

  1. Chaque imposition est une procédure de partage social – toujours !

 

Pour nous aider à nous représenter le financement d’un revenu de base inconditionnel, il est d’une importance capitale de saisir l’imposition globalement, pour se rendre compte qu’il s’agit d’un procédé de partage de la richesse créée par la société. Si l’on ne comprend pas cela, on est constamment tenté de se méprendre sur le sens de l’actuel (et du futur) relèvement de la taxe sur la valeur ajoutée, de la considérer comme une hausse du poids fiscal du budget national, et de ne pas y voir le nécessaire changement méthodique du système fiscal. On se dit alors : « la taxe sur la valeur ajoutée est relevée, la hausse de cette taxation va donc faire augmenter les prix (7), voilà bien ce qu’il nous faudra débourser, c’est bien ce que nous pressentions toujours ! » On aboutira forcément à ce schéma de pensée simple mais faux, dès lors que l’on essaiera de se représenter la question de financement concrètement, par un cas particulier, et non pas l’effet global de l’imposition ; lorsqu’on ne considère pas le cas particulier comme seulement un exemple pour la globalité. Si par contre on prend la chose dans sa totalité économique (tout d’abord sur sa base nationale), on comprendra aisément que la reconversion d’un impôt sur le revenu vers un impôt sur la consommation, n’augmentera pas nécessairement la charge d’ impôts pesant sur le revenu national. L’ensemble devrait et peut se dérouler de façon neutre et stabilisatrice sur les prix, à condition d’être fiscalisé de manière judicieuse.
Il est vrai qu’il reste encore le problème de la manière de conduire ce processus de reconversion qui va inévitablement inciter les profiteurs à en ‘’profiter’’ (ndt :‘’Schnäppchenjäger’’ : chasseurs de petits verres de gnôle, ou ‘’Gewinnmitnehmer’’ : profiteurs du système) ; il devra être agencé de sorte à faire montrer du doigt ces derniers et leurs agissements, ce qu’ils détestent, car ça porte préjudice à leurs affaires ! La mise en évidence de la suppression de l’inévitable effet de coût sur les prix des impôts sur les entreprises et l’effet libérateur de leur allègement qui s’en suivra lors de leur disparition, entraînera un devoir de vigilance des médias, et un grand effort de compréhension de la part de tous. Car : la part de l’état au produit national (ou revenu du peuple) restant invariable, une conscience formée et lucide des prix  et de la création de valeur, devra pouvoir maintenir stable le niveau de prix dans son ensemble, si, comme dit, la part de l’état ne doit pas être augmentée. Au niveau des processus économiques nationaux essentiels de création de richesse des grandes entreprises, la concurrence et l’obligation légale à publication de leur situation économique (publication de leurs comptes), conduiront déjà à une retransmission des avantages de l’abaissement des dépenses occasionnées par la diminution des impôts sur les entreprises. Les impôts ne constituent qu’un des nombreux facteurs de dépense pour les entreprises ; celles-ci ont l’habitude de manier les modifications de coût et savent comment s’y prendre dans leurs calculs économiques.
Celui qui polémique contre l’impôt sur la valeur ajoutée (sur la consommation) avec l’argument banal de l’augmentation des prix ou des charges qui d’ailleurs est à nouveau compensée par l’abaissement des impôts sur les entreprises, ou qui soulève la question du financement du revenu de base avec, en plus, celui du transfert des paiements qui sont actuellement de 800 millions d’euros, montre simplement qu’il n’a pas compris ou qu’il ne veut pas comprendre que l’imposition est un processus social de partage, qu’il ne peut ou ne veut pas saisir la mutation méthodique du système fiscal, ni l’intention citoyenne du revenu de base. En fin de compte il ne s’agit pas de la question de pouvoir, mais d’une question de vouloir (8). Sur ce point il faudrait prendre à cœur la sentence de Fichte : « L’homme est capable d’accomplir ce qui doit être accompli, et s’il prétend qu’il ne peut pas le faire, c’est qu’il ne le veut pas. »  Il en est en fait ainsi.

  1. Faire l’expérience des finances publiques et de la communauté.

 

Les finances publiques, que nous pouvons appeler ici le ‘’revenu national’’, se divisent actuellement en deux domaines : celui des impôts au sens courant du terme et celui des cotisations sociales obligatoires (prestations de transferts). En règle générale, le citoyen ne peut les esquiver (légalement). Mais depuis  longtemps la frontière entre les deux est devenue fluctuante, car à cause du développement démographique, les systèmes sociaux sont devenus déficitaires et doivent être de plus en plus comblés par les recettes fiscales générales. Si nous convertissons notre système fiscal dans le sens d’une imposition sur la consommation et si nous désirons financer un revenu de base inconditionnel, il faut le financer à partir de l’imposition. Un droit conforme à la constitution, assurant ainsi la défense du citoyen, ne peut que s’opposer aux pouvoirs publics. Il serait donc logique – et pas seulement pour cette raison – de rassembler de manière convaincante et décidée, ces deux voies de financement en une voie unique.
Comme nous l’avons vu, ce changement est déjà en train de se faire dans les faits en République Fédérale d’Allemagne. Dès à présent les systèmes sociaux sont financés de plus en plus par les impôts. Ce développement, par exemple dans le domaine de la santé publique, est même encouragé politiquement. Si nous nous représentons alors ce début de processus aller de manière conséquente jusqu’à son aboutissement, nous devrions par conséquent réunir ces deux chemins, celui du financement à partir de l’imposition et celui, apparemment séparé, des cotisations sociales que les citoyens sont obligés de payer (au mieux les entreprises peuvent les esquiver, en particulier à l’extérieur des frontières allemandes). Cela signifierait que les systèmes de transfert des versements sociaux obligatoires seraient, d’un point de vue formel, inclus dans le produit national (9). Pour le financement du revenu de base, et, le cas échant, pour d’autres transferts de versements, se constituerait alors une ‘’imposition’’ unique des citoyens pour la collectivité. Car le financement de toutes les prestations publiques, y compris le droit à la participation citoyenne apparaissant économiquement comme étant le revenu de base, affiche toujours, finalement, d’un côté le caractère d’un remboursement des impôts (ou taxes) auparavant prélevés par l’état, d’un autre côté celui d’une prestation concrète collective (éducation, justice, sécurité, etc…). Sous cet aspect il est tout à fait exact de qualifier maladroitement ce processus (car conceptuellement rapporté le plus souvent à une seule imposition) comme un impôt sur le revenu négatif (imposition négative = remboursement). Toutes les prestations publiques, y compris les transferts sociaux réglés juridiquement sont, dans ce sens, des impôts ‘’négatifs’’. Que pourraient-ils être d’autres ? Si les pouvoirs publics étaient exclusivement financés par les impôts sur la consommation par exemple, alors cela entraînerait naturellement l’obligation de trouver de nouveaux accords pour partager les recettes fiscales aux différents créanciers publics (l’état, les régions, les communes), c’est d’ailleurs ce qui est déjà appliqué, à titre expérimental, dans certaines zones.
Globalement, le processus de financement de notre communauté deviendra transparent sous la forme d’un partage du revenu national, et il sera compréhensible pour le citoyen, car pour chaque sorte d’imposition nous cédons une partie de la plus value collective que nous avons créée, en vue de remplir pour la communauté des missions que nous avons nous-mêmes déterminées ; vous mandatez ainsi vos pouvoirs publics pour remplir des missions collectives que nous attendons de l’état et non pas que l’état exige de nous. En fin de compte le système d’imposition publique est un instrument d’organisation, de création citoyenne et non pas une forme de ‘’rapt autorisé’’ comme la philosophie scolastique du Moyen-Age l’avait probablement encore considérée. Dans la détermination démocratique des missions publiques, nous faisons finalement l’expérience de notre communauté, nous façonnons notre propre constitution nationale et culturelle, nous conférons une ‘’corporéité sociale’’ à notre identité spirituelle (10). Nous faisons l’expérience de notre mission au sein de l’humanité.
Un tel changement de la fiscalité, s’il est accompli d’un seul bloc comme cela a été décrit, agira aussi de manière significative et déterminante sur l’individu et sur son développement personnel, car l’impôt sur la consommation ne demandera plus, comme le faisait l’ancien impôt sur les profits ou le revenu, même s’adressant au citoyen ‘’égocentrique’’ : « Où as-tu gagné ton argent ? » (en écho : Faut-il vraiment que je déclare tout ?), mais plutôt : « Vers où veux-tu conduire ta vie ? », tu montreras dans la manière dont tu dépense l’argent, pour quelle raison tu l‘investis. Il en découlera donc une orientation réfléchie de l’existence.
Si tout se passe bien, ses revenus seront les conséquences de ses prestations ou de ses conditions de vie antérieures. Si le consensus social se fait, ses prestations lui donneront peut-être encore droit à une contre-partie. Aussi longtemps qu’il ne s’en est pas servi, nous aurons à faire à un état d’incertitude ou à une situation intermédiaire que nous désignons par ‘’argent’ (11)’. Ce sera le résultat concret d’une prestation effectuée et d’une contre-prestation. Cet état social intermédiaire ou relationnel sera symbolisé par l’argent (monnaie, billets, monnaie de banque etc…). L’argent sera un espace social intermédiaire placé entre les performances antérieures et la performance (contre-partie) ultérieure. La dépense d’argent fera de cet état d’incertitude une réalité sociale. Un état d’incertitude sera créé par l’acquisition d’argent antérieure. Le but de la vie vers lequel elle peut ou doit conduire sera pour ainsi dire encore en suspend, ce sera encore un état instable, en germe, qui aspirera à une réalité lui succédant. Au sujet de ce processus, l’impôt sur le revenu demandait au citoyen, par rapport à ce revenu : « D’où viens-tu ? ». L’impôt sur la consommation posera la question inverse : « Où vas-tu ? Dans quelle direction vois-tu ton avenir, quels objectifs te fixe-tu ? (12)» Celui que l’on questionne sur ses objectifs répond différemment que celui à qui est demandé la source de ses revenus antérieurs. Chaque conseiller économique le sait, chaque directeur de conscience pourrait le savoir.

  1. Comment apprendre à réaliser socialement ce qui est concevable ?                 (…ce qui se laisse concevoir ?)

 

La manière dont nous avons conçu une approche nouvelle de la fiscalité, plus fondamentale, et qui a des conséquences sur le développement humain, montre que ce système dépasse son objectif immédiat et permet à la société de saisir sa propre essence dans la diversité de ses groupes. A travers elle nous façonnons notre monde. Ce n’est pas que nous désirons aujourd’hui introduire, cela de manière nouvelle, mais parce qu’il en a toujours été ainsi, qu’il en est ainsi et le sera demain. Toutes les formes sociales élaborées par des hommes ont un effet en retour sur eux, immanquablement ; inversement, chaque développement individuel aboutit en fin de compte à de nouvelles relations et formes sociales. Aucun être humain ne peut et ne veut vivre replié sur lui-même. Une forme d’imposition tel que l’impôt sur la consommation, agit en stimulant l’initiative individuelle au sein de la communauté ; il éveille son intérêt pour l’autre, alors que l’impôt sur les bénéfices – on peut l’observer douloureusement pour chaque jeune entreprise – agit en règle générale en freinant ses initiatives.
Un impôt sur la consommation rend par ailleurs superflu une distinction des motifs entre ceux, professionnels (intérêt personnels) et ceux qu’on peut qualifier d’intérêt général (altruistes), car c’est dans chaque âme qu’est prise la décision d’exercer un acte de manière intéressée en faveur de  l’intérêt général ; pour les autres dans notre monde de division du travail, il est prédéterminé dans les deux cas. On ne distingue pas nécessairement de l’extérieur les motifs inspirant telle ou telle activité. Dans le domaine de l’intérêt général (imposable), il existe inévitablement, de nos jours, beaucoup d’hypocrisie coproduite par l’ancienne technique fiscale de l’impôt sur le revenu ou sur les profits. Mais au temps de l’imposition sur la consommation, nous n’aurons plus besoin de droit communautaire, puisqu’en aucun cas le déploiement d’une performance ne sera davantage imposé, et que l’imposition indispensable ne se fera que lorsqu’une rentrée d’argent – comme conséquence d’une prestation, de biens hérités ou de dons par exemple – conduira à une dépense de consommation de biens ou de services. Ce n’est qu’à ce moment que sera décidé ce que touche l’état pour la prise en charge de ses missions officielles au service des citoyens à partir du processus de partage social de l’imposition. Les dangers moraux que fait courir actuellement le régime fiscal sera ainsi désamorcé pour l’essentiel ; le problème des taxes fiscales et de l’impôt sur le revenu, dans le cas du ‘’travail au noir’’, disparaîtra totalement. Ce n’est que le dernier entrepreneur de la chaîne des prestations qui, dans sa déclaration de taxe sur le chiffre d’affaire, représentera en même temps la déclaration de l’impôt sur le revenu, laquelle sera transmise au centre des impôts comme cela se fait d’habitude.
Comment mettre tout cela en pratique ? Nous devons susciter la compréhension des gens pour ce qui vient d’être exposé. Chaque lecteur peut le faire dès à présent. Aucune puissance au monde ne peut l’en empêcher, sauf son propre manque de volonté. Ça doit marcher.

En outre, les publications de l'auteur sont également disponibles sur Internet www.hardorp-schriften.de (aussi à télécharger gratuitement).


Remarques
1 Il s'agit d'une reprise modifiée d'une conférence du 30 Septembre 2006 dans le cadre du congrès Michaeli au Goetheanum à Dornach sur le thème général du revenu de base.
2 Le 25 10 1919 à Zurich, voir 332a GA, "L'avenir social".
Ce fut déjà une affirmation centrale de mon article "La TVA et l'harmonisation fiscale dans le marché commun", Betriebsberater, 1967, page 167 et suivantes, lors de sa création. Il s'agit d'une longue série de publications subséquentes examinées plus en pointe et ayant été déclinées dans ce sens, qui peut être consulté en ligne à www.hardorp-schriften.de .
4 Nous considérons ici les achats de consommation à travers la frontière, qui sont plus une activité de loisir - comme les vielles "promenades à beurre" en haute mer - et non pas l'économie mondiale décisive.
5 Nous pensons seulement à la fiscalité "Stop an go" stimulant construction et investissement avec pour suite primes à la démolition ou abandon (- ou « politique d'amortissement exceptionnel»).
6 Voir l'auteur: «Riches et pauvres - et l'équité fiscale." Dans: Das Goetheanum, 23/02, page 431 et suiv.
7 Voir mon article, "La collecte des impôts à l'âge de la mondialisation", en: Die Drei, 3 / 1999, page 45 ss
8 Un exemple flagrant de cette façon de penser a récemment été fourni par l'économiste en chef de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED à Genève), Heiner Flassbeck, qui a été auparavant le secrétaire des finances du gouvernement fédéral allemand sous le ministre Oskar Lafontaine .Voir Le journal quotidien (taz Berlin, 15 12, 2006, page 11).
9 Cette réunion ne signifie aucune augmentation de la charge, elle apporte au contraire des effets de synergie (réductions des coûts gestion).
10 Voir l'auteur: «Corporéité sociale des groupes humains», dans: Das Goetheanum, Dornach 2004, n os 42, 43, 45 et 47.
11 Voir l'ouvrage de l'auteur: "Eléments d'une nouvelle répartition de l'argent et son importance pour le secteur financier de l'entreprise», Heidelberg 1972.
12 Voir l'auteur: «Le système de l'impôt sur le contexte de l'évolution intérieure de l'homme», dans: Das Goetheanum, 20/21, 13 5 2005, page 5 ss