« Ai-je bien compris ? »
Questions posées par les participants du congrès aux conférenciers et regroupées par Monika Clément, co-organisatrice de ce colloque.

Au cours du congrès, près d’une centaine de questions, en rapport avec le revenu de base, furent posées et qui se cristallisèrent autour de quelques points cardinaux. Certains s’adressèrent à Götz W. Werner, par exemple quelles seraient les conséquences sur la discussion internationale que le revenu de base pourrait entraîner lorsqu’il s’agit « de rêver le revenu de base sur la scène mondiale ». Un autre auditeur voulait savoir : « L’économie se globalise, des interdépendances s’amplifient, de même que la différence entre riches et pauvres. Cependant l’imposition, y compris l’impôt sur les plus values, garde un caractère essentiellement national. Comment peut-on imaginer un revenu de base dans une économie mondiale ? » Ou bien : « L’Union Européenne pourrait-elle jouer un rôle dans la collecte de la taxe sur la valeur ajoutée et sur le versement d’un revenu de base, ou bien faut-il passer par les états nationaux ? »

Union Européenne, pensions et intérêts.
Pour cette dernière question en particulier, voici la réponse de Götz W. Werner : « En fait, le revenu de base est une idée importante qui concerne le monde entier. On pourrait imaginer, et ce serait l’idéal, un impôt sur la consommation prélevé partout dans le monde (par exemple par un organisme de l’ONU) et qui serait reversé comme revenu de base à chaque être humain. Il existe, sur notre site Internet www.unternimm-die-zukunft.de  beaucoup de liens vers des réseaux informatiques en Europe et partout dans le monde, concernant le revenu de base. L’Union Européenne serait même plus apte que les états pour prélever une taxe sur la valeur ajoutée et la distribuer sous forme de revenu de base, en raison déjà de l’union monétaire, mais aussi de ses compétences législatives au niveau européen, par exemple en ce qui concerne la hauteur de l’imposition. Evidemment le niveau du revenu de base pourra varier et s’accorder aux coûts de la vie du pays concerné. C’est ce que propose aussi, dans une interview au cours d’une émission à Francfort, le 20 novembre 2005, Jean-claude Juncker, ancien président du Conseil Européen et premier ministre du Luxembourg
(site internet  www.f-r.de/in_und_ausland/politik/aktuel/?em_cnt=1012895). »

Une autre question centrale adressée à Götz W.Werner concerne le rôle des systèmes sociaux actuels, par exemple pour le versement des pensions :
« Je vais recevoir une pension de retraite de 4000 Euros. Combien vais-je percevoir avec le revenu de base inconditionnel ? Quelle sera la solution transitoire si elle baisse ? Ou bien le revenu sera-t-il simplement déduit de la pension ? »
Götz W.Werner répond : « Si vous percevez actuellement 4000 Euros de pension et si le revenu de base s’élevait à 1000 euros, vous ne percevriez plus que 3000 Euros. Votre revenu ne changerait pas, mais votre pension serait progressivement financée par l’impôt sur la consommation. »
A la question : « le versement des pensions peut-il être inclus dans le revenu de base (sous forme de transfert) ? » le site de Monsieur Werner spécifie : « De toute façon les transferts sociaux actuels seront dégrevés de manière importante par le revenu de base. A côté de ça, on pourra continuer à souscrire à des assurances de toutes sortes pour des prestations supérieures au revenu de base, cela reste du domaine des conventions libres, comme actuellement. »
Un autre complexe de questions tourne autour du fonctionnement actuel du système bancaire, comme l’illustre la question suivante : « Ai-je bien compris la chose ? Avec l’introduction du revenu de base (et de l’impôt sur la consommation), le système bancaire resterait ce qu’il est, avec la croissance des intérêts et des intérêts cumulés ? »
Là-dessus Götz W.Werner : « Oui et non. Institutionnellement le système bancaire resterait tel quel. Mais il faut s’imaginer les possibles effets que pourrait produire le développement de l’initiative individuelle sur la demande de crédit. Il faut en outre tenir compte que par l’introduction du revenu de base et de son augmentation progressive (dont l’effet sera globalement neutre sur l’ensemble du revenu), les abaissements de salaire et par là ceux des prix nets n’entreront en vigueur qu’après un certain laps de temps. Une légère inflation pourra alors être observée, selon le niveau du revenu de base et de l’impôt sur la consommation, avec des effets conséquents sur les plus hauts revenus. »

Encore peu d’intérêt pour le libre savoir ?
La thématique concernant la libre connaissance en rapport avec le revenu de base suscita peu de questions et semble donner raison à la remarque de Matthias Spielkamp sur le peu d’intérêt affiché pour le savoir libre et la libre culture comparé à celui causé par les ‘’grands’’ débats sociaux, tels les réformes de l’assurance santé ou les pensions de vieillesse. Citons néanmoins une demande d’explication, ou plutôt un commentaire sur l’indication expliquant que 70% des serveurs Web sont des logiciels libres : « Lorsque IBM ou HP utilisent Linus, cela ne signifie pas qu’ils utilisent du logiciel libre. » La réponse de Matthias Spielkamp : « Non, ce serait une conclusion erronée ! Mais les déclarations de IBM et de HP ne signifient pas qu’ils ont recours à des logiciels libres, mais qu’ils laissent programmer des logiciels pour leurs propres besoins, pour les publier ensuite sous la licence G.P.L., donc comme logiciels libres. IBM et HP sont réputés pour investir annuellement d’énormes sommes pour des logiciels qui seront ensuite publiés comme logiciels libres. Même Microsoft publie certains programmes sous la licence GPL. Dans le cas de IBM et de HP, certains observateurs pensent généralement que les motifs pour la production de logiciels libres ne sont pas de nature altruiste, mais ont pour but d’opposer quelque chose aux structures monopolisatrices de l’empire de Microsoft Windows. Et dans beaucoup de cas il s’agit vraisemblablement aussi de l’idée que le modèle de production logiciel libre conduit à de meilleurs produits, libre selon la devise de Eric Raymonds, l’un des représentants les plus éminents de Open-source-Modell, connu aussi sous la dénomination de ‘’loi de Linus’’ (d’après Linus Torvalds, concepteur de Linux) : « Given enough eyeballs, al bugs are shallow, » que l’on pourrait traduire par : lorsque suffisamment de regards se portent sur un programme, aucune erreur ne peut leur échapper.

Flot de questions à l’expert fiscal.
Benediktus Hardorp se vit confronté à un flot de questions. En voici quatre, parmi les plus représentatives :

Du sens et de la valeur probante des simulations mathématiques.

« Existe-t-il des modèles mathématiques sur le thème ‘’revenu de base inconditionnel et impôt sur la consommation ? Des essais de simulations sont-ils envisageables ? Sont-ils déjà en cours de réalisation ? »
La réponse de Benediktus Hardorp : « Des simulations mathématiques n’ont de sens que si, auparavant, le système existant est saisi de manière juste dans sa modalité, c'est-à-dire qu’il faut par exemple être capable de comprendre l’imposition comme un processus de partage de la plus-value sociale (BSP). On s’aperçoit alors aussitôt, même quand on passe du système d’imposition sur le revenu à celui d’une imposition sur les dépenses, que fondamentalement, on peut garder les quotients (quotas ?) de graduation actuels de la plus-value sociale. Certains paramètres de la fixation des prix et des revenus - le coût de l’imposition n’en étant qu’un élément parmi beaucoup d’autres – se modifieront constamment demain, comme ils le font aujourd’hui, mais pas la systématique de l’ensemble en tant que processus de partage. Les simulations mathématiques (pour quel pays ?) n’ont de sens que global dans leur plausibilité. Pour la R.F.A., le professeur Opielka a réalisé une expertise de faisabilité concernant le modèle du Premier ministre Althaus, fait sur demande de la fondation Konrad Adenauer, et il a prouvé qu’il était réaliste. Il sera bientôt publié. D’autres estimations vont suivre, dont les résultats divergeront, puisque aussi bien les hypothèses que les conditions politiques ne cessent de se modifier.
De par leur nature, les essais de simulations ne peuvent être réalisés que par un pays dans son entier (ndt : pays = « Land » mais la RFA est un état fédéral constitué de plusieurs « Land »). Concernant leurs effets sur les citoyens, ils doivent être irréversibles, car la confiance dans la réglementation des conditions de vie durables ne peut naître sur la base de simples tentatives. Dans ce domaine, l’organisme social ne peut se prêter à des tentatives de régulations expérimentales (par exemple en ce qui concerne les pensions de vieillesse, le balancement des fluctuations du marché extérieur par exemple). C’est seulement, le ‘’reste du monde’’ qui peut prendre l’Etat initiateur comme modèle, pour éventuellement suivre son exemple ou non.

Du droit des étrangers

« Comment faudrait-il organiser le droit d’asile et la législation des étrangers si l’Allemagne ou l’Europe établissait le revenu de base ?
La réponse de Hardorp : « Les questions ne seront pas différentes de celles qui se posent aujourd’hui et qui sont :

  1. Qui est-ce qui est considéré comme citoyen, et lorsqu’il vient s’établir dans le pays, à partir de quand ?
  2. Comment sera-t-il intégré dans le pays lorsqu’il y séjourne durablement (par intermittence par exemple) ?

Les problèmes de l’immigration dans le système social national ne sont pas nouveaux, peut être qu’à l’avenir ils pourront être résolus de manière plus satisfaisante. Ils ne concernent pas le revenu de base, mais l’intégration.

Des charges fiscales des retraités.

« Les retraités, ainsi que les bénéficiaires de revenus sociaux, doivent supporter des impôts sur la consommation plus élevés, sans allègement de leur impôt sur le revenu. L’impôt sur le revenu des personnes à salaire élevé sera allégé, alors qu’en plus ils consomment d’avantage à l’étranger ou qu’ils mettent de l’argent de côté. Trouvez-vous cela juste et bon ? »
Benediktus Hardorp : « Actuellement les retraités doivent supporter d’importants montants de taxes et d’impôts qui sont inclus dans le prix net des biens et des services dont ils usent journellement. En règle générale, ils ne le remarquent pas. Le poids fiscal total ne transparaît que sur la déclaration de taxe sur le chiffre d’affaire. Lorsqu’à l’avenir l’imposition sera supprimée sur les revenus des entreprises, comme aussi des particuliers etc…, pour être portée sur l’imposition de la consommation, alors formellement cette dernière augmentera, mais cela qui ne conduira finalement pas à davantage de charge fiscale, car le prix net des biens et des services s’abaissera proportionnellement au poids fiscal qu’il supporte actuellement (sans les charges sociales) ; inversement les salaires augmenteront, car on ne défalquera plus de ces salaires les impôts et les charges sociales : le salaire brut sera égal au salaire net. Même déjà actuellement, la fiscalité allemande sur le chiffre d’affaire impose les produits de base à un taux réduit, la réduction pouvant aller jusqu’à 0%. »

L’imposition des pouvoirs publics.

La question était la suivante : « Pour les Pouvoirs Publics en tant que consommateurs et dont l’importance est très grande, les coûts d’investissement doubleront. Comment régler ce problème ? »
L’explication de Benediktus Hardorp : « Les coûts d’investissement, justement, ne doubleront pas (voir 3ème question). Mais : on pourrait procéder pour les Pouvoirs Publics de la même manière que pour les retraités. On pourrait abaisser leur taxe sur le chiffre d’affaire (0%, 10%...) ou même prévoir pour eux une déduction taxe pour taxe (totale ou partielle et sans                                 déclaration préalable de résultats propres imposables). Le relèvement formel de la taxe sur le chiffre d’affaire ne devrait pas aboutir à la longue à une augmentation du prix final des biens et des services. Cela montre que la chose est largement concevable, il n’y aura pas de contraintes insurmontables du système.